Dilly n’est pas une élève, c’est moi son élève. Mais elle ne le sait pas.
La première fois que je vois Dilly, c’est parce qu’elle s’est plantée là, là comme ça, et de son corps tout frêle devenu si puissant, elle a hurlé sa peur, sa colère, sa douleur. Je vois mon visage figé. Seules les larmes qui remplissent mes yeux peu à peu montrent que le temps ne s’est pas arrêté, que mon corps chaud vibre de l’émotion dont s’est soudainement emplie la grande pièce et tous ses humains.
Un jour, Dilly se met au milieu du cercle. Nous l’entourons. Nous sommes lourd·es et fatigué·es des expériences inoubliables que nous avons vécues ensemble. Nous avons pleuré, dansé, chanté. Dilly se met au milieu du cercle du nous qui bientôt va s’arrêter. Elle regarde chacun·e d’entre nous tour à tour, droit dans les yeux avec son cœur, un cœur fort et doux, qui entoure et qui porte comme un grand oiseau, bien loin du désespoir.
Un jour, Dilly découvre le piano évadé et elles s’aiment bien. Dilly chante. La pièce s’emplit d’une nouvelle couleur. De rêves, de nostalgie, et d’amours. La maison en est toute chamboulée. Sur les murs, les fantômes ne sont plus les mêmes. Sa voix y vibre encore. Nos rêves s’y sont imprimés et maintenant quand on entre dans la pièce, on sent comme une douceur qui n’était pas là avant.
Aujourd’hui, Dilly a perdu son amoureux. On l’a retrouvé dans une rivière, près de Joyeuse.
Dilly, ta voix va-t-elle se briser pour toujours ? Comme celle de Maliowna ? Maliowna n’a plus jamais pu chanter après avoir fermé pour toujours les yeux de son ami. Quand ses cheveux noirs pleuvaient sur son corps détendu, qu’il faisait nuit dans les lumières des sirènes, sa voix s’est fermée.
Dilly, si tu ne chantes plus, comment je vais apprendre à jouer, moi ? Je dois refaire chanter Maliowna, il faut que tu m’aides.
Dilly, ce matin dans le groupe, je suis montée sur ma chaise. Mon corps bougeait comme le tien quand je parlais. Jesse était là à Istanbul avec moi.
C’est que moi aussi j’ai perdu un ami.
Je veux que tu reviennes à la maison, Dilly. Je sais que Jesse n’y sera plus jamais… Ce n’est pas juste. Parce que c’était un peu chez lui ici. Le lit en hauteur tout bien à sa taille, l’escalier en bois, le poêle qui ronfle pour chauffer sa chambre d’une nuit… Un petit déjeuner pendant lequel Mayne dévoile toute la douceur qu’il peut apporter aux cœurs abîmés.
C’est déjà terminé. Je croyais que c’était le début. Mais j’avais ouvert le roman à la fin…
Et toi Dilly, tu reviendras ? Tu reviendras le voir le piano évadée ? Et moi ? Tu chanteras encore une fois ? On écrira la suite ?
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