A l’heure d’internet, est-ce que ça sert à quelque chose, un·e prof de piano ?
Un·e prof de piano remplit deux fonctions principales (en-dehors de remplacer votre animal de compagnie, chien, chat ou hamster soit-il). On a tendance à ne pas distinguer ces rôles parce qu’ils sont pris par la même personne et confondus dans le même concept : « le cours de piano ».
Un·e prof de piano, ça sert à :
- Vous apprendre des trucs
- Vous coacher
Il est intéressant de distinguer ces deux fonctions, parce que selon votre tempérament ou selon la période de votre vie dans laquelle vous êtes, vous pouvez vous passer de l’une, de l’autre, ou même des deux, et le coût de l’accompagnement que vous cherchez ou même les qualités de la personne que vous choisirez ne seront pas les mêmes.
Allez, on se frotte les mains et on passe à la dissection du prof de piano… (aucun.e prof n’a été torturé.e pour réaliser ce documentaire).
Peut-on se passer d’un·e prof pour trouver du contenu ?
On peut facilement trouver du contenu, il y en a plein ! C’est justement ça le problème…
Le contenu, c’est ce que vous pouvez trouver dans un livre, dans une vidéo youtube, dans un manuel de théorie musicale. Le ou la prof est faite de « savoir ». Elle sait des choses que vous ne savez pas, et c’est le premier critère évident que vous avez en tête quand vous faites la démarche de chercher un·e prof : une personne compétente, parfois au détriment des autres critères…
Le contenu n’est pas le même chez tou·tes les profs. Les débutant·es ont tendance à croire que tout·e prof de piano est équivalent·e en terme de savoir, ce qui est archi-faux. Certain·es pianistes n’ont aucune connaissance en lecture de notes, ce qui n’en fait pas moins d’excellent·es pianistes et excellent·es pédagogues. D’autres lisent très bien les partitions mais n’improvisent pas du tout ou rarement. D’autres encore sont très branché·es « technicité », ce sont de vrai·es sportifs du piano, qui aiment la virtuosité. Chaque pianiste a sa pratique pianistique, et chacun·e vous apprendra quelque chose de différent.
Le contenu d’un·e humain·e (oui j’ai dit ces mots-là) est remplaçable par du contenu que vous trouverez sur du support, cependant un support ne remplacera pas tout… Suite au prochain chapitre.
Un·e prof trie le contenu et crée une progression POUR VOUS
S’il existe beaucoup de contenu, et sans doute de plus en plus, puisqu’on n’a jamais autant produit de livres et de vidéos qu’aujourd’hui, il est en même temps devenu beaucoup plus difficile de s’y retrouver : par où commencer, quelle progression suivre ? De nombreuses méthodes pianistiques vous guideront, mais passé un certain niveau, ou une fois finie la méthode que vous aviez commencée, vous aurez du mal à continuer car, s’il existe pléthore de méthodes pour débutant·es, c’est moins vrai pour les niveaux avancés.
Voilà donc le second intérêt du prof dans le contenu : son travail est non seulement d’avoir du contenu à vous apporter, mais aussi de l’organiser en fonction d’une progression qui vous est spécifique.
L’adaptation du contenu à votre profil
Tout ça c’est bien, mais vous tombez sur des exercices qui ne vous plaisent pas, qui ne sont pas adaptés au style que vous souhaitez jouer. Vous avez la sensation de faire des détours, d’apprendre des choses qui vous prennent de l’énergie mais ne sont pas essentielles. Votre prof est censé·e vous accompagner sur VOTRE voie, par la sienne. Et pour ça, iel doit vous proposer un contenu qui colle avec vos aspirations et vos objectifs. Pas besoin d’apprendre à jouer du Liszt si votre objectif est de vous accompagner au chant ! Les objectifs sont très différents !
Qu’est-ce que « l’ajustement » du savoir ?
Vous pouvez vous passer d’un·e prof si vous trouvez du contenu de qualité ailleurs. Les bibliothèques et le net regorgent de contenu. Néanmoins, le vieil adage dit « c’est pas marqué dans les livre-euuh ». Euh… non c’est pas un adage qui dit ça, c’est l’autre, là… Il y a des choses qu’on ne trouve pas dans les livres et dans les vidéos Youtube. C’est ce qui constitue ce que j’appelle « l’ajustement ». Vous connaissez très bien ce sentiment : vous avez tout bien compris, vous faites tout bien comme vous avez lu ou vu, mais ça ne marche pas. Il y a des choses qui sont très difficiles à faire (comme par exemple la mayonnaise), et pour lesquelles il faut « prendre le coup de main ». En fait, vous avez besoin d’un conseil personnalisé et d’un espace pour poser vos questions au fur-et-à-mesure que vous avancez. C’est là que vous aurez besoin d’une personne « sachante » pour vous aider à ajuster la théorie à votre pratique. Une bête information ou un exercice adapté vous permettra de dépasser le problème que vous rencontrez. Vous le dépasseriez peut-être seul·e, mais sans doute au bout de nombreuses heures de recherche.
Les IA arrivent, et sont probablement déjà en mesure de remplacer cette interaction essentielle de l’apprentissage. Mais. Euh. Bon… Disons que nous avons encore quelques années avant d’être tout fait obsolètes, nous les profs !
Pour résumer,
On peut dire qu’un·e prof rassemble toutes ces fonctions-là en ce qui concerne le contenu :
Peut-on se passer d’un·e coach ?
Le principal intérêt d’avoir un·e coach, c’est un soutien pour l’assiduité !
En fait, ça n’est pas vraiment le ou la prof qui le fait, ce sont les rendez-vous que vous vous donnez : ce n’est pas l’humain qui crée l’assiduité, c’est le dispositif. Ce dont on a le plus besoin quand on apprend un instrument, c’est de tenir sur du long terme. Il y aura toujours des raisons de se décourager, de faire passer l’instrument après Netflix le reste de votre vie. Mais si vous avez un·e prof·e que vous appréciez, qui fonctionne à votre goût, et qui vous soutient, vous tiendrez le coup !
Il existe des animaux rares qui sont des élèves au profil dit « autonome ». C’est une bête de course, une vraie tête de mule. La personne qui peut prendre un cours tous les six mois, c’est celle-là : elle tient contre vents et marées. D’une passion folle ou tout simplement ayant un quotidien peu contraignant, elle tient la barre et n’a pas besoin d’une personne pour lui tenir la tête hors de l’eau.
Ne vous leurrez pas, vous êtes très peu à faire partie de cette catégorie. Mais un entre-deux existe : prendre ne serait-ce qu’un cours par mois peut aider les plus courageux·ses (ou les plus fauché·es) d’entre vous.
Il sert aussi à vous aider à dépasser vos limites, en sécurité
Être dans une démarche d’apprentissage, c’est chercher à aller toujours plus loin. L’élève peut avoir ce regard sur lui-même et chercher à aller toujours plus loin. Mais le ou la prof a une longueur d’avance : le terrain est déjà balisé, parce que c’est un domaine dans lequel iel bénéficie de sa propre expérience en tant qu’apprenant·e et de l’expérience d’avoir accompagné d’autres élèves. Il sait où vous pourriez vous planter. Il s’est déjà pris les pieds dans le tapis, la bouche d’égout à droite, le virage en épingle à 3 km. Elle voit donc venir de loin les potentiels dangers et vous vous avertira (ou pas… j’en connais des sadiques).
Mais iel sert aussi à vous aiguiller dans votre chemin de musicien·ne…
Le coaching ne sert pas qu’à vous tenir dans la course. Il doit aussi vous aider à clarifier ce que vous souhaitez tirer de votre pratique pianistique, c’est-à-dire tâtonner avec vous pour définir le répertoire qui vous correspond, le style qui vous correspond, et même savoir vous ré-orienter vers un·e autre musicien·ne s’iel sent qu’iel ne pourra pas nourrir votre profil convenablement.
C’est un processus qui ne se termine jamais, sauf si vous aimez beaucoup rester dans une case (après tout, il existe peut-être des poissons rouges heureux)… Mais je vous souhaite un appétit d’ouverture éternel, ce qui veut dire que vous chercherez toujours à sortir de vos propres sentiers battus, et que vous aurez toujours besoin de définir plus clairement vos nouveaux objectifs.
Et pourquoi pas, vous offrir de l’écoute.
Vous adorez le piano et vous n’imaginez pas une seule raison qui pourrait vous en détacher ? Pourquoi lâcherait-on la pratique du piano si on s’y est lancé·e ? Quand on débute, les problèmes paraissent bien loin…
Parce que c’est difficile. Parce que les échecs peuvent atteindre votre estime de vous profondément, parce qu’ils peuvent mettre le doigt sur des difficultés plus larges dans votre vie, comme : votre organisation, la gestion de vos priorités et la gestion de vos émotions. Comme tout apprentissage, le piano déplace des choses dans votre vie, et c’est une bonne chose, mais ça génère des émotions que vous pouvez souhaiter déposer quelque part ou sur lesquelles vous osuhaitez peut-être juste trouver une oreille attentive. Un·e prof peut endosser ce rôle et vous aider à les traverser pour qu’elles ne vous bloquent pas.
C’est aussi la personne qui vous soutiendra pour une performance, concert ou petite audition. Au menu, gestion du stress, encouragements, et réalisme pour que vous ne vous vous mangiez pas un mur et que votre pratique instrumentale soit durable ! Recevoir de l’écoute et une bel accompagnement humain, c’est la garantie d’une belle et longue vie de musicien·ne.
Conclusion
Vous avez peut-être besoin d’être coaché·e, mais vous trouvez du contenu tout·e seul·e. Ou au contraire vous vous coachez très bien vous-mêmes et vous avez horreur qu’on le fasse pour vous, mais vous avez vraiment besoin qu’on vous simplifie la tâche en vous trouvant et en vous adaptant le contenu.
Chacun des rôles que j’ai décrits : trouver du contenu, le trier, créer une progression dans le savoir, tenir de l’assiduité, etc., sont des rôles que vous pouvez prendre seul·e.
Être accompagné·e par un professeur est coûteux, surtout si vous ne passez pas par une école de musique ou un conservatoire. Tous les rôles que vous ne déléguez pas à un·e prof sont des rôles qui reposent sur vous, votre détermination, votre temps, votre énergie. L’état d’esprit très actif dans lequel cela vous met est excellent pour apprendre. Vous êtes intégralement maître·sse de votre apprentissage.
Apprendre le piano seul·e n’est pas impossible mais demande de l’énergie, de l’assiduité, et de la compréhension de soi-même. Si vous prenez cette voie, courage ! Sinon, choisissez bien l’accompagnement que vous souhaitez. J’espère vous avoir donné de la clarté sur la fonction du prof de piano, maintenant c’est à vous de clarifier vos attentes !
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