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Introduction : Festival Le Bruit de la Musique

Je vous parlais l’an dernier du festival Riverrun, dans la catégorie musique-contemporaine-massage-de-l’oreille… Auquel je ne pourrai pas assister NON PLUS cette année (arg…).

J’avais rencontré là-bas une personne nous ayant donné quelques dates à ne pas manquer en France, puisque j’étais en manque de « bruit organisé ». Et Ô surprise, j’ai appris qu’un festival correspondant sensiblement à mes critères était organisé depuis plusieurs années non loin de mon logement principal (puisque je me meus comme un lézard à travers la France et le monde…). Je suis assez casanière mais surtout débordée par différents projets depuis plusieurs années (ça c’est pour : « pourquoi je ne l’ai pas remarqué avant, ce fichu festival »).
Alors à défaut d’y être allée, je bave encore un peu sur l’affiche et je me promets résolument d’y aller l’an prochain. Foi de moi, j’y serai ! Et double résolution : il y a intérêt à ce que l’on trouve de la musique contemporaine à Istanbul ! Snif ! (Stambouliotes, n’hésitez pas à m’en parler, d’ailleurs).
Je n’ai donc rien à dire sur ce festival auquel je n’ai pas assisté, si ce n’est que je suis heureuse qu’il existe. Mais… Je ne vous parlais pas de ce festival pour rien…
Création et introversion, la spécificité de la musique
En fait, j’ai aussi eu un petit « wizz » de plaisir / nostalgie quand j’ai vu que la décoration était assurée entre autres par Ana Gianferrari, dont j’avais eu le plaisir de croiser le travail et la personne. Anna ou Ana, que je préfère nommer Ana pour des raisons très personnelles (et croyez-moi ça fait vraiment toute la différence, surtout à l’oral…), est plasticienne. Je vous invite à visiter son site si vous ne connaissez pas son travail. Je me rappelle notamment d’échanges sur l’état de création artistique…
L’état de création du musicien
J’avais réalisé grâce à Ana que lorsqu’on joue, on est dans un état de création et non de restitution, contrairement à d’autres arts. Je m’explique : dans la musique, le travail technique et le travail d’interprétation ont certes été faits en amont. Mais c’est bien le moment où l’on joue la musique, le moment du concert, qu’à chaque fois, on recommence l’acte de modeler la matière sonore pour la faire devenir musique. En effet, la « création », le moment où l’on utilise la matière pour créer une « couleur », se passe en live.
L’état de création dans les autres arts
Au contraire, les œuvres plastiques par exemple, lorsqu’elles ne sont pas présentées sous forme de performance par l’artiste, seront créées à l’abri des regards, dans une bulle intime. La personne que vous verrez lors du vernissage est l’artiste, mais ce n’est pas l’artiste en état de création. L’état de création de l’artiste se passe donc dans un espace protégé. Son « état de création » n’est pas public, contrairement au musicien en concert. Au moment de la sortie de son travail – que j’ai envie d’appeler « coming out » – l’artiste se confronte au regard des spectateur·ices. Cela comporte d’autres inconvénients bien sûr, il ne s’agit pas de dire que l’un est objectivement plus confortable que l’autre.
L’état de création quand on est introverti·e
On peut être « pudique » de l’état de création et c’est OK
Cependant, cet état de création peut être plus ou moins intime. On peut être plus ou moins « pudique de l’état de création ». En ce qui me concerne, de nature majoritairement très introvertie, la plupart de mes actions font partie du domaine de l’intime, et ouvrir ces espaces au regard de l’autre est un goût que je n’ai pas forcément, voire peut être une difficulté en soi. Montrer un travail fini à des centaines de personnes et l’assumer publiquement me semble déjà quelque chose de difficile en soi. Mais créer, se montrer dans cet « état de création » devant des centaines de personne, est pour mon organisme un acte contre-nature.
Quand on est introverti·e et musicien·ne…
On peut déjà prendre conscience de cette particularité
En bref, j’avais donc réalisé que je m’étais trompée de pratique artistique si j’avais choisi d’aller vers la facilité… Que je pouvais avoir de la douceur envers moi-même pour les efforts d’adaptations que j’avais faits dans ma vie. Cette pris de conscience m’a aussi aidée à comprendre que mon penchant pour l’enregistrement plutôt que le concert, pour l’accompagnement plutôt que le solo, sont des moyens d’être « en état de création » dans des espaces qui me correspondent mieux. Par ailleurs, cela m’a aidée à cesser la comparaison avec les « extraverti·es de la création », ces personnes qui se sentent « portées » par leur public, qui accèdent même davantage à cet état de création parce qu’il y a des gens qui les regardent.
On peut aussi vérifier si on crée des alliances néfastes ou bénéfiques
Quand il m’arrive de m’associer avec d’autres musicien·nes, il peut parmi elleux se cacher des extraverti·es. Or ces personnes peuvent être dans une alliance néfaste avec moi si elles se sentent supérieures parce qu’elle peuvent être dans cet état de création publiquement, ou si elles ne respectent pas mes limites et ma tendance introvertie. En effet, ce trait de caractère a tendance à être très valorisé dans notre culture et elles peuvent avoir intériorisé une dévalorisation de l’introversion.
Au contraire, elles peuvent être dans une alliance bénéfique avec moi si elles comprennent et acceptent de bénéficier de mes forces, respectent mes limites et m’encouragent à les respecter. En sachant par exemple, que ce qui pour elle sonne comme un encouragement peut pour moi sonner comme du forcing. Si elles me font bénéficier de leur aisance sur scène et font en sorte de faire reconnaître mon travail publiquement autant que le leur (qu’elles auront tendance à valoriser plus facilement publiquement).
Conclusion : les solutions pour les introverti·es
En sommes, quand on est artiste introverti·e, et d’autant plus musicien·ne introverti·e, il peut être une bonne chose de :
- S’accepter en tant qu’introverti·e
- Avoir des pratiques adaptées :
- Enregistrement plutôt que concert live
- Accompagnement ou groupe plutôt que solo
- etc.
- Aller vers le concert live avec douceur pour soi-même et des outils pour retrouver une « bulle de création » même sur scène
- Accepter les autres en tant qu’extraverti·es sans jugement de valeur, ni envers elleux ni envers soi-même
- Savoir s’allier avec les extraverti·es pour compléter nos forces et se protéger des personnes qui sont influencées par une valorisation de l’extraversion
Merci Ana Gianferrari !
Cet échange sur nos états de création avec Ana fait partie de ces pas qui m’ont permis de me définir en tant que musicienne. J’ai accédé à ses états de création, ces moments magiques où elle entre dans une sorte de transe créatrice, et qui sont pour elle un refuge, un lieu intime, et une part de sa personnalité qu’elle aime vivre d’elle à elle. Et cette empathie qu’elle m’a permise en ouvrant la porte de sa maison m’a apporté de quoi mettre en relief mes propres états de création, les définir, et les respecter. J’ai donc une profonde gratitude envers cette artiste pour cette prise de conscience que je vous partage.
Je vous laisse avec mes bons souvenirs, et peut-être se croisera-t-on au Bruit de la Musique cet année ?
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