Je me demande souvent ce que mange un chef étoilé. Est-ce qu’il s’autorise les pâtes aux lardons du mercredi soir qui sauvent le j’ai-pas-d’idée ?
Dans Ratatouille, grand moment de cinéma que je vous recommande, le Chef Gousteau dans l’imaginaire de Rémi interdit à ce-dernier de manger avec l’unique intention de se nourrir.
Devrais-je suivre mon chef Gousteau et m’empêcher de nourrir mes oreilles de musique d’ascenseur ? Dois-je n’écouter que ce qui est considéré musique ?
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En voyage, après une semaine et demi de solitude et de nature, je m’étais retrouvée dans le métro de Milan. Je n’avais pas entendu de musique depuis des jours et j’étais dans une sorte d’état méditatif. J’étais disponible à tout ce qu’il se passait tant que ça n’impliquait pas d’interaction humaine. Mes sens en éveil avaient été exaltés par les graves et les vibrations du métro sur ses rails. Alors que j’étais à ce moment-là assez technophobe, je me rappelle que ces sons m’avaient tellement réjouie qu’ils m’avaient réconcilié avec la Révolution Industrielle toute entière.
A-t-on besoin de musique pour apprécier les sons ?
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En classe de composition électroacoustique, un jour qu’il pleuvait, j’arrivai avec un ciré en vinyle fraîchement acheté. De nature discrète et peu encline à attirer l’attention sur moi, je fus très gênée que la classe entière se taise à mon arrivée. Inquiète d’un faux-pas esthétique, mon expression trahit mon embarras, ce qui donna à la classe l’opportunité de clarifier l’événement : mon ciré faisait un son fantastique.
Bien sûr, je ne le portai plus jamais.
Deuxième conclusion : il y a peut-être une mode vestimentaire pour aveugles malvoyant·e·s.
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Après mon année de classe en électroacoustique, la musique est devenue un autre monde. L’importance de la mélodie a disparue au profit du son, voire du bruit. C’était une révélation : tout est musique.
C’est alors assez amusant que nous ayons besoin de nous retrouver entre adeptes du son, à des concerts comme ceux que rassemble Riverrun, dans une ambiance religieuse, et pour écouter finalement des compositions étonnantes, véritables massages pour l’ouïe.
Mais il faut dire que le temps du concert est un moment particulier, où l’on consacre son attention au son, où l’on décide que c’est à ce moment-là qu’il a de l’importance, et d’ouvrir alors entièrement l’oreille…
Je suis donc allée me faire ma petite transe musicale annuelle, dans le Grand Théâtre et l’Athanor d’Albi, à ce festival que le GMEA propose.
J’ai eu la joie d’entendre un pianiste sous son parapluie, des batteurs-horloge d’un précision chirurgicale, une clarinette basse accompagnée de cordoniums et d’une installation scénographique à la fois astucieuse et ravissante, un ordinateur, ses enceintes et sa compositrice sous le regard des lumières curieuses, six femmes en improvisation inclusive, un tambour-cœur, une conférence pour ne pas oublier mon cerveau, et plein d’autres expériences auditives inouïes.
En tant que femme et féministe, j’apprécie également dans ce festival la part belle qui est faite à la parité, chose qui n’est très malheureusement toujours pas une évidence dans le milieu de la musique savante aussi bien que celui de la musique populaire.
Finalement, mes oreilles ont eu du mal à quitter cet endroit. Elles n’ont accepté de suivre mes pieds qu’à la promesse de revenir l’an prochain…
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