Cours de piano en ligne, écoute empathique

Alma #1709 – Mon histoire version longue4 min de lecture

À six ans, ma maman me met dans les pattes d’une pianiste douce comme l’eau. Travailleuse et douée, je deviens une petite coqueluche. On aime ce que je fais, et j’aime jouer de mon piano. Petite ombre au piano : je suis entrée en école de musique et on me fait passer des tas d’examens. Je n’aime pas ça, mais ma douce-comme-l’eau fait bien passer la pilule.

Bien plus tard, à l’âge où l’on découvre le grand monde, je me retrouve entre les pattes d’un méchant loup. Un grand méchant loup de contes de fées. Les jours de beau temps, la boule au ventre, j’entre dans le Conservatoire et descends tout au cœur du noir pour n’en sortir qu’en fin de journée, cassée. En concert, les doigts d’Alma ne fonctionnent plus. Des pannes sèches, des ratés. J’ai beau parler avec mon piano, les concerts sont des concerts surprises, souvent cauchemardesques. Je travaille et rien n’y fait. Sur mon piano il y a souvent des larmes. Mes mains me font peur, les pianos aussi. Je sombre et m’abandonne au loup qui a déjà mangé toute ma joie. Peut-être me dis-je, dois-je lui laisser le reste…

C’est une fleur-qui-germe qui m’a réveillée, cinq années plus tard. Forte comme la lumière et douce comme l’amour, elle m’a susurré qu’elle ne mettrait jamais les pieds chez ce grand méchant loup, bien trop grand, et bien trop méchant à son goût. La petite germe a grandi et dans mon cœur a établi son chevet. Ainsi, un soir, il y a dix ans, avec elle dans mon cœur, je suis entrée en catimini dans le Conservatoire, et moi et mon piano, on s’est évadées. A son réveil, le grand méchant loup a hurlé et m’a maudite jusqu’à la fin des temps. Le piano et moi, on a erré pendant des années.

On a cherché des endroits où aller, on a cherché des copains. Je me réveillais à côté de lui après des cauchemars terribles, de loups et de pianos sanguinaires. Le voir, c’était trop dur. Alors on s’est séparés. Je l’ai croisé parfois, puis comme nos souvenirs me faisaient mal, je le quittais de nouveau, prétextant quelque autre affaire importante…

J’ai voyagé, beaucoup voyagé. J’ai vu beaucoup de choses, j’ai rencontré beaucoup de monde. J’ai rencontré des amis et des amies, des amoureux et des amoureuses, des enfants. Puis un soir où je cherchais à dormir, je suis arrivée dans une forêt. Il y avait là un piano démantelé, dont personne ne voulait. Un piano tout seul. Un piano évadé. C’était lui. Je l’ai remis sur pieds, me suis excusée. Je lui ai présenté mes amis. On s’est installé·es dans cette forêt. On a construit une cabane faite de bric et de broc, où viennent se réfugier les pianos anarchistes, les pianos pirates, les évadés et tous les maudits et les maudites comme nous. On fait la fête toute la nuit, et au matin, il fait toujours beau.


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